Construire ensemble pour durer !
L’un des plus grands défis des projets de développement ne se trouve pas simplement dans leur exécution technique mais aussi dans leur capacité à durer. En effet, de nombreux projets rencontrent la même difficulté : ils ont du mal à perdurer. Mais comment expliquer ce phénomène et surtout, comment peut-il être évité ?
Aléas climatiques, corruption, déplacements de population… De nombreux facteurs extérieurs à la communauté peuvent compromettre la durabilité de projets de développement tels que la construction d’un puits, d’un forage ou de latrines. Cependant, d'autres obstacles, tels que l'entretien insuffisant, les tensions sociales, ou encore la mauvaise gestion des ressources, relèvent davantage du manque d'appropriation des projets par les communautés elles-mêmes. Ce dernier point est souvent déterminant pour garantir leur pérennité.
« Faire ensemble » : solution ou défi ?
Si la solution semble évidente – faire ensemble –, elle n’est pourtant pas aussi simple à mettre en place. L’idée d’unir les forces pour gérer un projet commun doit souvent affronter des obstacles culturels, sociaux ou organisationnels qui en compliquent la mise en œuvre.
Une démarche qui ne coule pas de source
La création d’un groupe ou d’une structure collective n’est pas une évidence. Les membres d’une communauté, bien qu’ils partagent des besoins communs, n'ont pas toujours l'habitude de travailler ensemble. Les divergences d’intérêts, les conflits internes ou les structures de pouvoir existantes peuvent entraver la formation d'un groupe véritablement soudé. La coopération nécessite un effort conscient et conséquent, surtout dans des environnements où la culture du projet de groupe n’est pas chose connue ou commune.
La responsabilisation, un défi culturel et social
Autre difficulté majeure ? La responsabilisation des membres. Beaucoup peuvent être tentés de se reposer sur ceux qui ont été à l’initiative du projet ou qui l’ont financé. Le risque d’assistanat est élevé si la communauté ne s’approprie pas l’infrastructure mise en place ou le matériel fourni. En effet, sans un réel sentiment de responsabilité, les membres ne se sentent pas toujours concernés par leur entretien et leur gestion. Il est ainsi commun que les communautés s’attendent à ce que des intervenants extérieurs (ONG, gouvernements, donateurs) gèrent les problèmes, et hésitent ou soient même réticentes à prendre des décisions par elles-mêmes.
Il devient alors clair que la capacité à mobiliser une communauté sur le long terme relève bien souvent plus d’un défi que d’une solution.
« Faire ensemble » : mais comment ?
Il est donc nécessaire de mettre en place des mécanismes pour encourager et soutenir la responsabilisation communautaire. Les projets doivent non seulement répondre aux besoins de la communauté, mais aussi sensibiliser ses membres à la nécessité et aux bienfaits d’œuvrer main dans la main ainsi que les impliquer à chaque étape, de manière à ce qu’ils s’approprient pleinement les initiatives.
L’accompagnement au changement
Pour que le collectif fonctionne, il est crucial de sensibiliser en amont du projet la communauté à l’importance du “faire ensemble”. Cet accompagnement au changement a pour but de montrer que la pérennité du projet dépend directement de leur engagement. Ce dernier est essentiel car, comme évoqué plus tôt, travailler ensemble ne va pas de soi dans la plupart des communautés qui bénéficient de projets de développement. Ainsi, l’un des rôles primordiaux des acteurs extérieurs est de guider la communauté vers une prise de conscience collective que leur sortie de la pauvreté passe par une gestion responsable et partagée des ressources et des infrastructures.
Impliquée de A à Z
Ensuite, pour qu’une communauté s’approprie un projet de développement, il est crucial qu’elle soit impliquée dans tout le processus. Il est donc bénéfique que ses membres (au moins quelques-uns) soient partie prenante lors de la réflexion, de la planification et même du financement du projet. Lors de sa réalisation, la participation active de la communauté est également importante lorsque celle-ci est possible – pour creuser un puits par exemple. Enfin, une fois le projet en place, la création d’un comité de gestion est nécessaire. Ce dernier pourra, entre autres, être responsable de l'entretien ou encore de la gestion d’un fonds commun – notamment pour financer un remplacement de pièces ou une réparation. En étant intégrés à tous les niveaux, les membres de la communauté auront plus de facilité à se sentir pleinement acteurs et non « simples » bénéficiaires de ces initiatives.
Autonome mais pas seule
Si l’autonomie est un objectif à atteindre lorsque l’on met en place des projets de développement, cela ne signifie pas que la communauté doit être laissée seule face aux défis. Un soutien externe peut être nécessaire pour assurer un suivi ou permettre de régler les conflits, d'accompagner la communauté dans ses premières étapes et d’éviter que les membres ne se découragent face aux difficultés. Ainsi, un encadrement adapté permettra une acquisition progressive des compétences nécessaires à une gestion autonome mais responsable. De plus, certaines situations ne sont aucunement liées à l’engagement de la communauté comme des pannes complexes nécessitant une intervention extérieure – mais pour lesquelles la communauté doit tout de même faire un signalement auprès des personnes/organismes compétents –, des aléas climatiques ou encore l’instabilité politique.
« Faire ensemble » : les bienfaits
Une fois mis en place, le “faire ensemble” présente de nombreux avantages, tant pour le projet lui-même que pour la communauté.
Construire durablement
Sans surprise, le “faire ensemble” assure la durabilité des projets. En s’appropriant les initiatives, les membres de la communauté sont plus enclins à les entretenir mais aussi à les adapter en fonction de leurs besoins qui peuvent être changeants. Cela permet de prolonger la durée de vie des infrastructures et du matériel et d’assurer la continuité des services qu’ils offrent (santé, hygiène, etc.) ou des ressources qu’ils fournissent (eau, nourriture, revenus). De plus, les membres qui s’impliquent activement dans la gestion de leur projet sont mieux préparés à gérer les défis futurs.
Construire efficacement
Lorsque les membres d'une communauté travaillent ensemble, la diversité des compétences et des points de vue permet au projet de répondre aux besoins du plus grand nombre. Le travail collectif offre aussi l’avantage d’une répartition des tâches et des responsabilités, ce qui évite la surcharge de certains membres, tire profit des forces de chacun améliorant ainsi l’efficacité sur long terme des projets.
Se construire
Mais les bienfaits de mobiliser la communauté vont bien au-delà des résultats immédiats du projet car souvent, ses membres créent des liens sociaux plus forts et une meilleure harmonie. Cette cohésion sociale peut conduire à la naissance d’autres initiatives collectives, contribuant ainsi à un développement plus global. De plus, les compétences acquises au cours de la gestion du projet – en termes de leadership, d’organisation ou de gestion des ressources – sont réutilisables dans d’autres domaines.
Tout en ayant conscience que cette cohésion n’émerge pas systématiquement, il apparaît évident que lorsqu’elle devient une heureuse conséquence du processus, cette dernière favorise la pérennité des projets de développement et aide ainsi les communautés à sortir durablement de la pauvreté.