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Pauvreté infantile : agir ici et là-bas

Si la pauvreté dans les pays du Sud est fréquemment mise en lumière, il est crucial de reconnaître et d'aborder la détresse des enfants dans notre propre pays. C’est ce que fait Françoise Caron, présidente de la Fédération Nationale des Associations Familiales Protestantes, dans cette interview qui incite chaque chrétien à agir concrètement pour soutenir les plus vulnérables.

le sel parle essentiellement de situations d’extrême pauvreté dans les pays du Sud, Mais la France compte aussi nombre d’enfants qui vivent dans la pauvreté, pouvez-vous nous en parler ? 

Françoise Caron : On n’a pas toujours conscience de l’augmentation du nombre d’enfants en situation de pauvreté. On estime que cela concerne plus de 3,3 millions d’enfants sur les 14,5 millions que compte notre pays. On a un peu perdu pied et, ces dernières années, on n’a pas vu venir la paupérisation de toute une partie des familles avec les conséquences que cela engendre pour leurs enfants. Il faut aussi mentionner l’extrême pauvreté et la précarité d’enfants immigrés. 

De quoi les enfants en situation de pauvreté en France ont-ils le plus besoin ? 

FC : Des conditions de vie décentes avec un milieu familial paisible qui favorise une scolarisation permettant à l’enfant de bénéficier de codes sociaux, d’un climat relationnel avec les autres enfants et l’équipe éducative qui va avoir en rebond des effets positifs. 

En France, le premier facteur de décrochage par rapport à une vie décente, c’est l’isolement de la famille. Quand la famille se replie sur elle-même ou bascule dans la marginalité, les enfants trinquent lourdement et on a du mal à les rejoindre et à identifier leurs vrais problèmes. 

Quels sont les points forts et les angles morts du système social, économique et éducatif en France ? 

FC : Nous bénéficions d’une protection sociale et d’un service d’aide sociale à l’enfance que beaucoup pourraient nous envier. Mentionnons aussi le dispositif de prévention par les services de protection maternelle et infantile qui détectent dès la maternité les carences et les risques de situations difficiles. Cela fonctionne bien ! C’est après qu’il y a des trous dans la raquette. Ces dispositifs vont souvent être activés dans l’extrême urgence à travers des signalements. Or il faut aussi penser à ceux qui nagent entre deux eaux. Ils ne sont pas totalement au fond et ils ne sont pas non plus au-dessus. Comment identifier les invisibles qui se battent pour faire face mais qui n’y arrivent pas ? Ils ont parfois aussi peur d’être repérés par les services sociaux et de la judiciarisation de leur situation. Cela nuit à l’accompagnement. Nos associations de terrain qui sont simplement là « avec » et « pour » peuvent faire bouger les lignes. 

Comment la Bible nous éclaire-t-elle sur ces sujets ? 

FC : Nous connaissons tous ces textes bibliques sur l’amour du prochain. Mais tout cela n’a de sens que si on le met en pratique ! L’épître de Jacques nous parle de la vraie religion en termes de prendre soin des orphelins et des veuves. 

Il nous faut relever les manches avec le même élan et le même cœur qu’on le fait pour la mission au loin. Les extrémités de la terre sont venues jusqu’à nous et il faut se mobiliser non pas avec quelques euros mais avec quelques heures ! Pour du soutien scolaire, pour des activités, pour du répit pour des parents épuisés ou des mamans solos. Il s’agit d’imager concrètement par une parabole vécue les textes qu’on relit le dimanche au culte. 

Pensez-vous à un engagement individuel ou plutôt associatif ? 

FC L’engagement personnel est essentiel : dans ma maison, face à mon voisin, dans mon quartier… En tant que chrétien cela doit faire partie de qui je suis. Mais je crois qu’il est important de se dire qu’on est plus fort ensemble. Certaines actions portent du fruit quand on les mène en groupe.  

Si je vais mener une action dans un quartier pour les enfants, je dois me demander : dans quelles conditions vit la famille ? Comment, en prenant soin de l’enfant, puis-je rejoindre sa famille, la découvrir, contacter les dispositifs utiles qui existent autour d’elle ? Tout cela peut faire bouger la famille et parfois tout un quartier ! Cela, on a besoin de le faire avec une association qui porte des projets qui ont été réfléchis en tenant compte du tissu social du quartier… et qui seront arrosés par la prière et portés par l’Église. Le site des associations familiales protestantes, avec son annuaire, donne des informations sur l’ensemble des AFP locales dont on peut se rapprocher (www.federation-afp.fr). 

Comment le souci des enfants au près rejoint-il celui des enfants au loin ? 

FC : Dans cette dimension spirituelle du regard que Dieu pose sur l’enfant et du soin tout particulier qu’il a pour lui. Ce sont les mêmes enfants au près et au loin et c’est le même regard de Dieu sur eux sans aucune distinction. C’est ce qui doit me pousser à avoir le même regard et à me dire que je n’ai pas à choisir. J’ai deux mains : il peut y avoir une main pour penser à celui qui est là-bas et que je ne peux pas rejoindre physiquement mais auquel je dois penser concrètement en faisant un geste. Et puis il y a l’autre main qui peut se poser sur la tête de l’enfant qui est à mes côtés. Mes deux mains doivent être utilisées pour l’un là-bas et l’autre ici. L’Église est en capacité de relever ce défi. 

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Image de la vidéo de l'émission de La Rue du SEL avec Françoise Caron

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