Idée reçue n°27 – « La croissance démographique est un frein au développement. »
Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !
Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.
Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : Aujourd’hui, on va parler de la population et avant de réfléchir concrètement à son impact sur le développement, quelles sont les observations générales que l’on peut faire sur la croissance démographique dans le monde ?
Nicolas (SEL) : La croissance démographique représente la variation de la population au cours d’une période donnée. Globalement, au vu des évolutions des dernières décennies, on peut faire le constat que les taux d’accroissement de la population sont plus élevés dans les pays en développement que dans les pays développés. Plusieurs facteurs l’expliquent. Une première raison est lié au fait que les populations du Sud n’ont pas le même rapport ni le même accès aux méthodes de contraception que les populations du Nord. Si les familles font beaucoup d’enfants au Sud, c’est aussi parce qu’ils sont une source de revenus, dans des pays où il n’existe aucune protection sociale.
Cette croissance démographique représente un enjeu majeur pour les pays en développement…
C’est sûr. Lorsque la population croît, la richesse nationale doit progresser plus rapidement encore pour que chacun puisse espérer voir son niveau de vie s’améliorer. C’est relativement évident d’un point de vue comptable. L’exemple de l’Afrique subsaharienne l’a prouvé. Alors que la région voyait son PIB progresser de plus de 2 % par an en moyenne de 1980 à 2000, son PIB par habitant a lui régressé de plus d’un demi-point annuellement en raison de la forte démographie.
Concrètement, qu’est-ce que signifient ces chiffres ? Comment ça s’est traduit ?
La démographie n’est pas forcément le seul paramètre à prendre en compte mais cette situation s’est traduite par une accentuation de la pauvreté matérielle et humaine. En effet, la difficulté pour un pays pauvre est d’arriver à dégager les ressources nécessaires pour nourrir, éduquer et soigner correctement une population en augmentation rapide. Des pays comme l’Inde et la Chine se sont ainsi inquiétés d’une croissance démographique trop importante et ont pu prendre des mesures de régulation des naissances parfois peu respectueuses de la liberté des individus et de leur vie.
La croissance démographique doit-elle être considérée comme un frein au développement ?
Non. Pas forcément. Tout dépend de si le pays est en mesure de faire face à cet accroissement de la population. Une jeunesse importante peut être un véritable atout pour un pays ou un continent à partir du moment où elle est formée, en bonne santé et qu’elle peut avoir des débouchés sur le marché de l’emploi. Il faut être conscient du fait que les bénéfices d’une forte croissance démographique se conçoivent aussi sur du long terme. En effet, à court terme, un plus grand nombre d’enfants représente une charge pour leur famille et plus largement pour la société. Mais à plus long terme, une fois parvenus à l’âge adulte, ils peuvent inverser le ratio entre actifs et inactifs et participer ainsi au décollage économique du pays.
Cette mutation de la société nécessite alors d’être bien accompagnée…
Oui. La question du financement du développement est justement essentielle. On s’en aperçoit notamment dans le cas d’un deuxième avantage lié à la croissance démographique et qui réside dans la structuration des territoires. Un espace sous-peuplé et faiblement urbanisé est difficile à développer. La densification des territoires va alors permettre d’y pallier mais ça ne pourra pas se faire sans un certain nombre d’investissements.
Pour aller plus loin : Jean-Michel Severino & Jean-Michel Debrat, Idées reçues sur l’aide au développement, Le Cavalier Bleu, 2010.