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Idée reçue n°29 – « La dette des pays pauvres est un obstacle à leur développement. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : La dette des États est souvent pointée du doigt. Mais justement, en quoi elle peut être un frein au développement ?

Nicolas (SEL) : Quelques soient les raisons pour lesquelles il s’est endetté, normalement tout pays qui contracte des emprunts doit les rembourser. C’est valable pour tous les pays, qu’ils soient considérés comme riches ou comme pauvres. A partir de là, le remboursement des emprunts et des intérêts va peser sur les finances et sur le budget des États concernés. Les pays vont alors devoir consacrer une part importante de leurs ressources pour rembourser leurs créanciers. Et c’est autant d’argent qu’il ne pourra pas consacrer à des dépenses d’éducation ou de santé. Pour l’exemple, de 2012 à 2014, le service de la dette était le premier poste budgétaire de la France.

Là où ça se complique encore davantage c’est quand les États ne sont plus en mesure d’honorer leur dette…

Effectivement. Si le surendettement est un obstacle au développement d’un pays, il peut aussi malheureusement le conduire à la faillite. De par la faiblesse de leurs institutions et de leurs revenus, les pays pauvres y sont tout particulièrement vulnérables. Néanmoins, la crise de 2008 a pu montrer que les pays du Nord n’étaient pas non plus complètement à l’abri. Historiquement, c’est la situation catastrophique des années 70-80 qui sert de référence. À cette époque, la situation financière de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine était désastreuse. Des solutions drastiques ont alors été mises en place et certaines dettes de pays en développement ont été annulées dans les années 90.

Là, c’est justement un exemple criant du caractère néfaste de la dette sur le développement.

Attention à ne pas aller trop vite non plus. En soi, l’endettement n’est pas forcément mauvais. Une certaine dose d’endettement d’ailleurs est même nécessaire au développement. Aucun État au monde n’a pu investir sans emprunter. Le danger, c’est quand il y a surendettement ou quand le fardeau de la dette empêche un pays d’agir contre la pauvreté ou d’assurer les fonctions gouvernementales essentielles.

Certaines ONG soulignent pourtant que la question de la dette est l’un des problèmes majeurs pour l’ensemble des pays du Sud.

Des ONG comme le CADTM, le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, ont fait de la question de la dette leur cheval de bataille. Ça ne les empêche pas pour autant de reconnaître que l’endettement est un mécanisme courant et nécessaire dans le développement économique. Elles ont plutôt tendance à distinguer différents types de dettes et elles s’insurgent en particulier contre celles qu’elles qualifient d’odieuses et celles qu’elles qualifient d’illégitimes. Par exemple, une dette odieuse désigne une dette contractée par un régime despotique pour des objectifs étrangers aux intérêts de la Nation et des citoyens.

On voit ici que la question de la dette est bien plus complexe qu’il n’y paraît…

Oui. Il faut faire attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Les projets d’infrastructure dont les économies africaines ont actuellement besoin (ports, aéroports, barrages, réseaux…) ne pourront pas être financés uniquement sous forme de dons. Le réendettement de certains pays est donc souhaitable mais il faut veiller à ce qu’il soit « responsable ».

Pour aller plus loin : Jean-Michel Severino & Jean-Michel Debrat, Idées reçues sur l’aide au développement, Le Cavalier Bleu, 2010.

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