Idée reçue n°28 – « L’économie collaborative est une bonne chose pour la planète. »
Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !
Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.
Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : LeBonCoin, BlaBlaCar. Les sites internet collaboratifs fleurissent en ligne. On en parle beaucoup de cette économie collaborative mais de quoi s’agit-il exactement ?
Nicolas (SEL) : L’expression d’économie du partage est parfois utilisée aussi. C’est la même chose. L’idée qui est derrière c’est de décrire un modèle économique où l’usage prédomine sur la propriété. Ce qui veut dire que l’on va chercher à augmenter l’usage d’un bien en le partageant, en l’échangeant, en le vendant ou encore en le louant. Dans le cas de BlaBlacar, on va partager un trajet en voiture. Avec LeBonCoin, ça concernera toutes sortes de biens ou de services. C’est l’essor des technologies numériques qui a permis de renouveler ce type d’économie.
Le constat qui est commun à ces démarches c’est que l’on n’utilise pas assez nos produits finalement ?
C’est ça. Avec l’économie collaborative on va chercher à augmenter l’usage d’un bien. Cette optimisation est une réaction à la sous-utilisation supposée des biens. Ce constat n’est d’ailleurs pas totalement dénué de fondement. L’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, a ainsi indiqué que 40 % des congélateurs et des réfrigérateurs remplacés en 2011 étaient encore en état de fonctionner. Pour ce qui est des téléphones portables, leur durée technique est estimée à plus d’une dizaine d’années et pourtant les français changent le leur en moyenne tous les deux ans et demi.
C’est ce qui explique pourquoi l’économie collaborative a une bonne réputation en matière d’environnement ?
Effectivement. En permettant la réutilisation d’un bien ou sa mutualisation, l’économie collaborative (ou économie du partage) semble a priori s’inscrire dans une démarche respectueuse de l’environnement. C’est d’ailleurs un élément qui est souvent mis en avant par les acteurs du secteur.
On pourrait dire que le succès de ce type de pratique est lié à une meilleure prise de conscience environnementale de la part des citoyens ?
Pour certaines personnes ça peut être le cas. Mais pour la grande majorité, la motivation principale est surtout d’ordre financier. Les consommateurs espèrent augmenter leur pouvoir d’achat. C’est ce qu’a montré notamment une enquête du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie. L’effet environnemental de l’économie collaborative n’était cité que par 30 % des sondés quand la motivation financière était plébiscitée par 67 % des répondants. Concrètement, ça signifie que l’économie collaborative ne va pas forcément entraîner une moindre consommation globale. L’argent économisé va pouvoir servir à d’autres dépenses. On parle alors « d’effet rebond ».
Est-ce que l’on pourrait trouver d’autres limites qui amènent à relativiser le bénéfice de l’économie collaborative pour la planète ?
Oui. Sur le long terme, ce type de pratique peut avoir des effets ambivalents. Une forte demande de covoiturage peut ainsi inciter les pouvoirs publics à construire moins de lignes de transport en commun. En allongeant la durée de vie d’un produit, on peut aussi ralentir la diffusion de progrès technologiques qui permettent de diminuer la consommation énergétique. En effet, pour des produits comme les automobiles ou les réfrigérateurs, les gains entre générations de produits peuvent être considérables. Mais tout ça ne doit pas non plus nous faire tout rejeter en bloc. Il faut seulement veiller à faire de l’économie du partage une économie durable.
Pour aller plus loin : Alternatives économiques, L’économie collaborative : un bon plan pour la planète ?, dans La méthode Hollande va-t-elle enfin marcher, octobre 2015, n°350, p. 66.