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Idée reçue n°25 – « Les brevets devraient être annulés pour que les plus pauvres aient accès aux médicaments. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : Quand on parle de brevets que ce soit dans le domaine des médicaments ou dans tout autre domaine, on ne peut pas passer à côté de la notion de propriété intellectuelle. Alors justement, quelle est la législation au niveau international dans ce domaine ?

Nicolas (SEL) : A l’échelle internationale, le régime actuel de la propriété intellectuelle relève d’un accord signé en 1994 dans le cadre de l’OMC, l’Organisation Mondiale du Commerce. Cet accord est connu sous son sigle d’ADPIC qui signifie qu’il s’agit d’un accord concernant les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce. Le principe de ce texte est simple. Il est de renforcer l’obligation pour tout pays de respecter la propriété intellectuelle.

Ça semble tout à fait normal. Mais en même temps ce type de texte a pu susciter (et peut encore susciter) de nombreuses inquiétudes concernant notamment l’accès des populations aux médicaments ?

C’est vrai. S’agissant par nature de droits d’interdire, les droits de la propriété intellectuelle, et tout particulièrement le brevet, posent un certain nombre de problèmes éthiques. En garantissant l’exploitation exclusive d’un composé chimique à une seule entreprise, le brevet n’encourage pas toujours à une diffusion large et à moindre coût des médicaments dont pourtant de nombreuses personnes auraient besoin, notamment dans les pays en développement.

Ce sont donc les populations pauvres qui se trouvent être les plus pénalisées par ce système ?

Oui. Et en particulier celles qui vivent dans les pays en développement. Un chiffre assez simple en rend compte : 87 % des ventes mondiales de médicaments sont réalisées dans les pays industrialisés qui, démographiquement, ne représentent pourtant pas plus de 18,7 % de la population mondiale. Cette inégalité se double en plus d’une forte injustice car les pays en développement se trouvent être les plus touchés par les maladies à forte morbidité. Ce phénomène est aussi aggravé par le fait qu’une entreprise pharmaceutique a tendance à anticiper les profits qu’elle peut réaliser et elle privilégiera les recherches sur des maladies qui touchent un large public. Pas forcément des maladies tropicales en l’occurrence.

Ne serait-il donc pas judicieux alors d’annuler ce système des brevets, ou en tout cas dans le domaine de la santé ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ça ne serait pas forcément judicieux d’annuler ce système des brevets parce que le coût initial et l’incertitude entourant une nouvelle connaissance sont élevés. A l’inverse, sa reproduction est au contraire quasiment gratuite. Une absence de brevets aurait alors tendance à favoriser des comportements de type « passager clandestin » consistant à ne pas s’engager en premier dans les dépenses de recherche et développement mais à bénéficier ensuite des découvertes des autres. Le brevet est alors une garantie pour une entreprise pharmaceutique d’avoir un monopole sur son produit pendant un certain temps et ça peut aussi constituer une incitation à investir pour trouver d’autres médicaments.

Comment faire alors pour que les plus pauvres ne soient pas les grands perdants de ce système ?

Certains pays en développement et certaines ONG ont fait part de leurs craintes. Ces mobilisations à l’encontre des ADPIC ont contribué à assouplir, pour les nations pauvres touchées par de graves problèmes de santé, l’obligation de respecter le droit de propriété sur les brevets pharmaceutiques. En parallèle, certaines firmes se sont aussi montrées favorables à des dérogations dans des conditions très spécifiques. L’entreprise pharmaceutique Roche s’est ainsi engagée à ne déposer aucun brevet dans les 50 pays désignés comme les moins avancés. Il faut alors continuer en ce sens.

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