Parole de Jésus n°6 : « Cette pauvre veuve a donné plus… »
Les évangiles rapportent 6 paroles de Jésus à propos des "pauvres". Dans cette série, différents auteurs proposent des pistes de réflexion sur ces passages.
Ce texte a été écrit par Guilhem Jaussaud, pasteur de la Mission Timothée à Anduze.
« Jésus, s’étant assis vis-à-vis du tronc, regardait comment la foule y mettait de l’argent. Plusieurs riches mettaient beaucoup. Il vint aussi une pauvre veuve, elle y mit deux petites pièces, faisant un quart de sou. Alors Jésus, ayant appelé ses disciples, leur dit : Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu’aucun de ceux qui ont mis dans le tronc; car tous ont mis de leur superflu, mais elle a mis de son nécessaire, tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » (Marc 12:41-44, version LSG).
Veuve et pauvre, donc doublement vulnérable, elle donne tout ce dont elle dispose : son nécessaire. L’esprit de sacrifice, l’intégrité et la générosité qui émanent du récit, sont propres à émouvoir toute personne, encore sensible aux belles valeurs humaines. Bien que le geste soit touchant, il est aussi anecdotique, voire insignifiant ; concrètement, la veuve ne donna que très peu. Mais Jésus la considère, la cite en exemple et instruit ses disciples à ce sujet. La leçon semble alors facile, la morale, universelle : au fond, l’argent ne serait rien et le sentiment tout ; « c’est l’intention qui compte » dit-on. Jésus honorerait-il l’euro symbolique ? Honorerait-il la beauté du geste ? Rien n’est moins sûr.
La veuve, une modeste héroïne ?
Le geste et la vertu de la veuve, bien que modestes, sont teintés d’héroïsme : « elle donna tout ce qu’elle avait pour vivre ». Certains s’empresseraient de la canoniser… Or, Jésus n’en fait pas une héroïne ni une sainte, mais un exemple.
Le héros est, par définition, inimitable, il est hors norme, idéal. Et à l’impossible nul n’est tenu. Si le héros fait rêver, l’exemple, lui, même radical, fait plutôt norme. Il ne suffit pas de l’admirer, mais il convient plutôt de lui ressembler. Car la norme permet de juger entre ce qui est bon et ne l’est pas, entre ce qui est suffisant et insuffisant. Quel est donc dans le geste de la veuve, l’élément précis que Jésus prend en exemple ? Quel est l’esprit du don, sans lequel l’argent perd de sa valeur et par lequel, vraisemblablement, même en donnant très peu, l’on donne plus que beaucoup ?
Donner sans compter, la belle idée
L’adage « c’est l’intention qui compte » justifie bien des hypocrisies. Car si la bonne disposition ne se traduit pas en en actes, elle est trompeuse (2 Corinthiens 8.11 ; Jacques 2.15,16). Ce qui compte alors, serait-ce de donner sans compter ? L’idée est belle. Et en effet, quand on aime, on ne compte pas semble-t-il. Seul l’amour explique que la veuve donna « tout ce qu’elle possédait » ou bien qu’une autre femme « gaspilla » son parfum de grand prix en le répandant sur Jésus (Marc 14.4).
Pourtant, le don véritable n’a pas grand chose à voir avec une belle idée. Même joyeux et volontaire, il ne s’exprime que par le sacrifice, il n’est pas naïf ni inconscient. Si Jésus a donné sa vie pour nous, c’est qu’il a accepté de la perdre. Cette perte, ce dépouillement, implique nécessairement une souffrance. « Tout donner » ne signifie pas « ne pas compter », mais donner quel qu’en soit le coût.
Pour donner assez, donner sa vie
De nombreux textes bibliques révèlent qu’à cause de l’amour de l’argent, la générosité est rarement proportionnelle à la richesse. Bien souvent le riche, ou celui qui cherche à s’enrichir, même lorsqu’il donne beaucoup, ne donne que de son superflu. Il ne se sépare de rien qui ne puisse amputer sa richesse. Même en donnant, il reste attaché à Mammon.
La veuve bouleverse totalement cette logique religieuse. Elle hisse l’offrande à son vrai niveau. Celui qui ne cesse d’aimer Mammon ne peut plus suivre. Car elle fait bien plus que partager beaucoup de ce qu’elle a (ce qui est le sens commun de la générosité). Elle a peu, elle donne tout (litt. « toute sa vie »). Et c’est bien à cause de cela – car le critère qu’il pose est avant tout cultuel et non comptable – que Jésus considère son offrande comme supérieure. Dans la Parole, le curseur n’est pas affaire de quantité mais de vérité et d’amour. Que l’on donne un peu ou beaucoup, on ne donne pas vraiment s’il manque l’amour : « Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture (…) si je n’ai pas l’amour cela ne me sert de rien. » (1 Corinthiens 13.3).
En donnant de son nécessaire, la veuve s’est donnée elle-même. Et c’est bien cela, l’expression du véritable don, de la véritable piété : donner de sa propre subsistance (Ésaïe 58.10). On ne peut donner vraiment, sans se donner soi-même et l’on ne se donne que par amour. Un ancien cantique (AF596) s’achève ainsi : « […] si tu veux, chrétien, que ta main s’ouvre et donne, commence par donner ton coeur ! ».
L’esprit du don
La générosité chrétienne suit l’économie miraculeuse de la grâce. Tout comme la grâce surabonde là ou le péché a abondé (Romains 5.20), la générosité qu’elle inspire, surabonde au sein même de la disette et de la faiblesse des moyens : « leur joie débordante et leur pauvreté profonde ont produit avec abondance de riches libéralités » (2 Corinthiens 8.2). Lorsque la reconnaissance et la joie accompagnent l’œuvre de Dieu, l’offrande spontanée se manifeste. Celle-ci n’a rien de commun avec la dîme vécue comme une taxe contraignante et douloureuse, mais elle est un don libre, total et joyeux. Nous croyons que c’est cet esprit du don que Jésus approuve et que la Parole le soutient par des promesses : « Il a fait des largesses, il a donné aux indigents; sa justice subsiste à jamais. Celui qui fournit de la semence au semeur, et du pain pour sa nourriture, vous fournira et vous multipliera la semence, et il augmentera les fruits de votre justice. » (2 Corinthiens 9.9,10).