Génocide rwandais : il pardonne au meurtrier de sa famille
Sa famille a été tuée dans le génocide. Aujourd'hui, il subvient aux besoins de l'enfant du meurtrier.
Jean Claude, ancien élève d’un centre de parrainage de Compassion au Rwanda, a pardonné au responsable de la torture et de l’assassinat de sa famille au cours du génocide de 1994 contre les Tutsis ; il a même aidé à l’éducation de son fils.
Je suis né au Rwanda dans la ville de Kigali dans une famille pauvre pour laquelle obtenir de la nourriture était un problème. Aller à l’école était un problème. Survivre était difficile. Au Rwanda, c’est à l’âge de trois ans que les enfants commencent l’école maternelle. Mais pour moi à l’âge de trois ans, il n’y avait pas d’espoir d’aller à l’école, ni à quatre ans, ni à cinq. Mais grâce à Dieu, un jour, des chrétiens sont venus chez moi. Ils cherchaient des enfants à aider. Ils ont dit :
« Vous avez un petit garçon ici, emmenez-le demain au centre de parrainage. »
Nous sommes allés à l’église et ils ont pris une photo de moi. À partir de ce moment, j’ai commencé à aller à l’école. Au centre de parrainage, ils nous enseignaient l’espoir. Ils avaient l’habitude de nous dire :
« Même si vous êtes nés pauvres, Jésus vous aime. Jésus a un bon projet pour vous. Vous pourriez devenir ceci ou cela. »
Compassion m’a appris l’amour. L’amour : c’est un mot qui est enseigné tout le temps au cours du programme de parrainage.
« Aimez-vous les uns les autres comme Dieu aime tout le monde et a décidé de donner son propre Fils. »
Le génocide débute
Le génocide du peuple Tutsi s’est produit en 1994 au Rwanda. C’était terrible. Les Hutus n’étaient pas des personnes venant d’autres pays ou de contrées lointaines. Ils étaient nos voisins. Ils étaient nos amis. C’était surprenant de voir qu’un mari pouvait tuer sa femme. Qu’une femme pouvait tuer son mari. Que des parents pouvaient tuer leurs enfants, en disant qu’ils étaient Tutsis à cause de l’origine de leur conjoint.
Ma famille était Tutsi et, au cours du génocide, j’ai vu mon père se faire tuer d’une façon très cruelle. J’avais 11 ans.
Un groupe de 12 personnes est venu chez moi, et je suis allé me cacher derrière la barrière. J’ai tout vu. Ma sœur aussi était là. Elle a été tuée d’une façon très cruelle. Mes tantes et mes oncles ont eux aussi été tués parce que nous vivions ensemble sous le même toit. Ma mère n’a pas été tuée, mais elle a été battue. Elle est traumatisée depuis ce jour. Maintenant elle vit avec un handicap mental à cause de tout ce qu’elle a vu. Depuis le génocide jusqu’à aujourd’hui, elle prend des médicaments tous les jours.
Après le génocide
En 1996, le programme de parrainage a réouvert officiellement et les enfants qui ont survécu sont revenus. C’était difficile pour les équipiers de Compassion car beaucoup d’enfants avaient été tués.
Ces travailleurs avaient un très gros travail à faire. Tout d’abord, ils devaient nous réconforter, nous encourager. Mais c’était difficile. Nous vivions toujours avec les personnes qui avaient tué nos familles. Avant le génocide, nous ne pensions pas à qui était Tutsi ou qui était Hutu. Mais quand nous sommes revenus au centre d’accueil, il y avait des enfants Hutu et nous nous sommes dit « Oh, peut-être que le père de celui-là a tué nos parents. » Mais le personnel du centre de parrainage a fait du bon travail en nous donnant à nouveau de l’espoir et en nous apprenant le pardon. Ils nous donnaient aussi de la nourriture et du bétail. Ils m’ont donné une chèvre. Les chèvres nous aidaient à rétablir et restaurer nos foyers.
Choisir le pardon radical
Grâce au parrainage, je suis qui je suis aujourd’hui. Grâce à l’éducation que j’ai pu avoir, j’ai grandi avec de l’espoir et j’ai eu pour objectif de sortir ma famille de la pauvreté. Quand j’étais à l’école, j’étudiais très dur, et Dieu m’a aidé. J’ai obtenu mon baccalauréat avec des notes élevées et je suis allé dans une très bonne université pour étudier le droit. Quand j’ai été diplômé, je suis devenu avocat. Maintenant je suis conseiller juridique pour l’association des anciens élèves de Compassion au Rwanda. C’est ma manière de donner en retour.
Le centre de parrainage est le lieu où j’ai appris à connaitre Jésus. Finalement, j’ai pardonné à ceux qui ont tué ma famille. Après 2004, j’ai créé une organisation appelée Best Family Rwanda pour les enfants. La plupart des enfants aidés sont Hutus, et viennent de familles qui ont commis le génocide. Si je ne pouvais pas pardonner, j’aurais dit,
« Non, je n’aiderai que les Tutsis, seulement les survivants du génocide. »
Pourtant le père d’un des enfants soutenus par mon organisation faisait partie du groupe qui a tué mon père. Ils étaient voisins. Après le génocide, il a été emprisonné pour son crime. Alors que je sélectionnais les enfants à aider, j’ai dit :
« Amenez-moi cet enfant. Il n’a pas de père. »
Voilà ce qu’est le pardon.
Quand Jésus était sur la Croix, il aurait pu dire : « Tue-les, Père. » Mais à la place, il a dit :
« Père, pardonne-les, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Voilà ce qu’est le pardon.
J’aime l’enfant du meurtrier de mon père. Il a été pris en charge depuis le lycée, et maintenant il va à l’université.
Quand vous avez investi dans une graine, c’est quelque chose que vous mettez dans la terre, qui devient un arbre et qui commence à porter des fruits. Je peux dire que je suis une graine de Compassion.
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Adapté et modifié pour la longueur et la clarté d’une interview réalisée par Compassion International.