Idée reçue n°19 – « Les indicateurs statistiques donnent une bonne image de la réalité de la pauvreté. »
Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !
Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.
Gwladys (Radio Arc-en Ciel) : Aujourd’hui, on va parler des indicateurs statistiques. Ceux qui permettent de mesurer la pauvreté. Il en existe de toutes sortes. Certains sont connus, d’autres moins. D’abord, à quoi servent-ils ?
Nicolas (SEL) : Les indicateurs statistiques sont essentiels car ils permettent d’avoir un meilleur aperçu du monde qui nous entoure. On comprend assez facilement l’importance de savoir combien de personnes souffrent de la faim, combien d’autres sont atteintes du paludisme ou encore quel est le nombre d’adultes analphabètes dans le monde…
Les données qu’apportent les indicateurs statistiques vont principalement jouer à deux niveaux. Le premier, c’est qu’ils vont orienter les actions de lutte contre la pauvreté en dégageant un certain nombre de priorités. Le second, c’est qu’ils vont permettre d’évaluer ces actions en jugeant de la réalisation (ou non réalisation) des objectifs fixés.
A vous entendre, on comprend mieux l’utilité de ces indicateurs statistiques. Finalement, c’est un bon moyen d’avoir une image fiable de la réalité de la pauvreté…
Il faut quand même rester prudent. Comme toujours finalement quand on parle de chiffres. Si – comme je le disais – il est effectivement essentiel d’avoir des indicateurs statistiques, cela ne signifie pas pour autant que ce sont des outils parfaits. Ils ont aussi leurs limites. On peut ainsi dire qu’ils donnent une certaine image de la réalité de la pauvreté mais pas véritablement une image certaine ! Il y a là une petite nuance mais qui fait toute la différence.
Donnez-nous un exemple…
Dans le cadre de sa campagne des Objectifs du millénaire pour le développement, les Nations Unies avaient établi un objectif – le numéro 2 – qui était d’assurer l’éducation primaire pour tous. Pour mesurer sa réalisation, l’indicateur utilisé consistait à observer la progression des taux de scolarisation. Seulement s’il est bien évidemment positif que davantage d’enfants soient scolarisés, cela ne signifie pas pour autant que l’on aboutit à une meilleure éducation.
L’indicateur est quantitatif mais pas qualitatif. Or, dans certains pays, l’augmentation des taux de scolarisation a pu se faire malheureusement au détriment de la qualité de l’enseignement, avec des classes surchargées ou encore des professeurs qui n’ont pas eu le temps d’être correctement formés…
Si certains indicateurs semblent avoir des limites, d’autres par contre semblent eux gravés dans le marbre. C’est le cas du PIB – Produit Intérieur Brut – qui est souvent présenté comme étant un indicateur phare, non ?
Effectivement, il ne faut pas non plus faire de généralité. Certains indicateurs sont plus pertinents que d’autres et tout dépend aussi en fait de ce que l’on cherche à mesurer. Au risque de casser un mythe peut-être, il faut savoir que si le PIB est pertinent pour juger de l’accroissement de la production dans un pays, il est par contre vivement critiqué en tant qu’indicateur visant à juger de l’état de bien-être ou de progrès d’une société.
C’est pourquoi le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a élaboré un indicateur alternatif, l’indicateur de développement humain (IDH) allant au-delà du seul PIB. D’autres encore ont inventé par exemple le BIB – Bonheur Intérieur Brut – par opposition toujours au PIB. Pour autant, aucun indicateur alternatif ne s’est véritablement imposé et il est vrai que le PIB reste encore incontournable aujourd’hui.
Alors finalement, quel rôle jouent les indicateurs statistiques dans la lutte contre la pauvreté ?
Ils sont plus que jamais incontournables. L’adoption de nouveaux Objectifs de développement durable va s’accompagner de la mise en place de nouveaux indicateurs. Comme expliqué précédemment, les outils statistiques restent essentiels même s’ils peuvent avoir certaines limites. Il faut juste en être conscient et chercher à les améliorer au maximum. Face au manque de données dans certains domaines, l’ONG ONE pousse ainsi avec d’autres à ce qu’ils appellent une « révolution des données ».
En conclusion. Les indicateurs statistiques sont à prendre pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des chiffres. Ils ne donnent qu’une image de la réalité sans être cette réalité. Il faut donc toujours chercher à les améliorer.