Le blog
En détails

Idée reçue n°21 – « La distinction Nord-Sud n’a rien perdu de sa pertinence. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : Aujourd’hui, on va faire un petit point de vocabulaire. On parle souvent des pays du Nord et des pays du Sud. Alors, on peut peut-être commencer par un petit rappel historique. D’où vient cette distinction entre le Nord et le Sud ?

Nicolas (SEL) : Le terme de limite Nord-Sud est formalisé en 1980 dans un rapport intitulé « Nord-Sud : un programme de survie » et produit par la Commission indépendante sur les problèmes de développement international. Cette commission était alors présidée par Willy Brandt, un ancien chancelier allemand et sur la couverture du rapport, on peut voir une carte du monde où celui-ci est divisé par une ligne qui sépare d’un côté un Nord et de l’autre un Sud.

Du coup, que signifie cette expression de Nord-Sud ? Elle est beaucoup utilisée notamment dans le milieu du développement et de la solidarité internationale.

Après la distinction Est-Ouest issue de la guerre froide et qui était plutôt d’ordre idéologique, on est ici en face d’une distinction Nord-Sud qui relève d’un tout autre schéma. En dépit de son nom, cette limite ne fait pas forcément écho à une séparation géographique entre d’un côté un hémisphère Nord et de l’autre un hémisphère Sud. C’est davantage une ligne qui cherche à illustrer des inégalités de développement. Dans le rapport Brandt, il est d’ailleurs dit – je cite – que « Nord et Sud sont synonymes grosso modo de riche et de pauvre, de pays développés et de pays en voie de développement ».

Comment cette distinction entre le Nord et le Sud a été accueillie à l’époque où elle a été présentée ?

Globalement, en 1980, cette distinction entre Nord et Sud était pertinente et elle permettait de mettre le doigt sur une certaine réalité. Elle avait aussi ce côté pratique d’être plus politiquement correct que des expressions du type riche/pauvre ou développé/en voie de développement. Néanmoins, elle essuyait déjà quelques critiques. La première et non des moindres étant que des pays de l’hémisphère Sud comme l’Australie ou la Nouvelle Zélande étaient comptabilisés comme faisant partie des pays du Nord, ce qui pouvait entraîner une certaine confusion.

Cette distinction entre pays du Nord et pays du Sud est-elle encore pertinente aujourd’hui ? Parce que finalement, il semblerait que l’on soit confronté à deux réalités qui sont de moins en moins homogènes.

Surtout que la notion n’a pas évolué depuis sa formalisation en 1980, alors que le monde lui a pourtant évolué depuis. C’est ainsi que l’expression a progressivement perdu de sa pertinence et qu’elle est de plus en plus critiquable et critiquée. Sur deux points notamment. Le premier c’est sur le choix des termes de Nord et Sud. On a déjà vu qu’ils étaient ambigus à l’origine mais ils le sont d’autant plus maintenant. Certains pays du Sud comme le Chili et le Koweït se trouvent avoir des IDH (indicateurs de développement humain) beaucoup plus élevés que des pays du Nord comme l’Albanie ou l’Ukraine. La deuxième critique qui peut être faite c’est sur le choix de diviser le monde en deux entités. L’apparition de pays émergents depuis quelques années maintenant semble notamment montrer que ça revient à un peu trop simplifier la réalité.

Est-ce qu’il faut encore utiliser cette expression ?

Oui. On peut continuer à l’utiliser. Beaucoup le font d’ailleurs. C’est relativement pratique. C’est une délimitation qui est globalement connue de tous. Et même si elle est critiquée, elle recouvre quand même une certaine réalité. Il faut seulement avoir conscience de ses limites.

Bannière Idées reçues sur le développement - SEL