Pourquoi davantage d’enfants naissent-ils dans les familles africaines (en moyenne) ?
Voici une liste non exhaustive et non hiérarchisée de raisons qui peuvent expliquer pourquoi plus d’enfants naissent en Afrique qu’ailleurs…
La question a un potentiel polémique. En témoignent les nombreuses réactions qui ont fait suite à la phrase[1] prononcée par le président de la République française, Emmanuel Macron, en juillet 2017. Pourtant, sans avoir à porter de jugement moral, le constat est bien là et factuel : la plupart des pays en développement – et en particulier des pays africains – connaissent une forte croissance démographique.
Avec un taux de fécondité de 7,6 enfants par femme, le Niger s’impose ainsi comme le champion du monde de la fécondité. S’inspirant d’un article de l’organisation chrétienne Compassion Australie, voici une liste non exhaustive et non hiérarchisée de raisons qui peuvent parfois se conjuguer et expliquer pourquoi plus d’enfants naissent en Afrique qu’ailleurs…
La baisse importante de la mortalité infantile :
Dans le monde, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a diminué de plus de moitié entre 1990 et 2015. Cette bonne nouvelle a entraîné par voie de conséquence un accroissement de la population mondiale. En effet, par le passé, la forte fécondité était contrebalancée par une forte mortalité. Actuellement, la fécondité diminue également mais plus lentement. Résultat : les familles ont plus d’enfants.
Le rôle trouble de la polygamie :
La polygamie est autorisée dans de nombreux pays en Afrique. Si sa pratique n’occasionne pas nécessairement une hausse du taux de fécondité de chaque femme, il n’empêche qu’elle peut quand même y contribuer dans certains cas. En effet, « elle tend à maximiser le temps passé par les femmes dans la situation d’épouse, et donc l’exposition au risque d’avoir un enfant ». Et plus encore, elle peut participer à instaurer une certaine compétition entre les épouses comme l’explique Hassane Atamo qui est chef de la planification familiale au ministère de la santé au Niger : « Au village, il est vrai que les hommes subissent des pressions. Si un Nigérien a une femme et deux enfants, sa famille va le pousser à prendre une deuxième, une troisième, une quatrième femme… La polygamie joue un rôle important. Quand un Nigérien a plusieurs femmes, une compétition s’installe entre les épouses. Chacune veut donner le maximum d’enfants au mari ».
L’accès limité à la contraception :
Si le recours à la contraception augmente en Afrique, il reste néanmoins bien moins important que dans les pays développés. A la question de savoir pourquoi il a fait quatorze enfants, Achirou Garba répond tout simplement au journaliste du Monde que c’est parce qu’il s’est marié. « J’ai vu une fille que j’aimais, je l’ai épousée. Les enfants ne sont que la conséquence de ce mariage. Je ne l’ai pas fait à dessein. On n’avait pas la contraception ni d’information sur l’espacement des naissances. » Sur ce point, la religion joue aussi un rôle important. Selon leurs convictions, il est possible que certaines personnes préfèrent ne pas recourir à des moyens de contraception et plus encore à l’avortement.
Le niveau d’instruction plus faible :
Le taux net de scolarisation augmente en Afrique. Néanmoins, il reste encore bien inférieur à celui des pays développés. Or, « l’instruction des femmes est un facteur-clé (…) : celles ayant été à l’école mettent moins d’enfants au monde que celles qui n’y sont pas allées ». Un rapport des Nations Unies de 2003 poursuit dans le même sens en signalant que le niveau d’éducation « influe fortement sur le nombre d’enfants désirés, le nombre d’enfants mis au monde et l’espacement des naissances ». En effet, les femmes faisant davantage d’études ont tendance à se marier plus tard et à bénéficier d’un niveau d’information plus important pour ce qui est de la contraception.
La crainte de l’avenir :
Dans les pays en développement, les populations ne peuvent pas miser sur des pensions de retraite pour leur fin de vie. Les parents comptent ainsi sur le fait que leur progéniture prendra soin d’eux lors de leurs vieux jours. Achirou Garba, le patriarche nigérien, résume cette préoccupation en ces termes : « Ce qu’on pense ici, c’est que si tu as un grand nombre d’enfants, tu auras peut-être la chance qu’un ou deux réussissent et s’occupent de toi quand tu seras vieux ». Economiste et directeur de recherche à l’Institut des relations stratégiques (IRIS), Philippe Hugon abonde en ce sens : « Les transferts intergénérationnels, les droits et obligations entre cadets et aînés pallient l’absence d’assurance chômage et de production sociale et favorisent une forte fécondité ».
Les besoins du présent :
Enfin, avant même d’envisager l’avenir, les populations doivent déjà survivre au quotidien. Si le fait d’avoir beaucoup d’enfants représente plus de bouches à nourrir pour une famille, ceux-ci peuvent néanmoins participer aux travaux de la communauté et répondre aux besoins du foyer. Environ 70 % des personnes pauvres vivent dans des zones rurales des pays en développement. La socio-économiste danoise, Ester Boserup, fait ainsi remarquer que l’agriculture non mécanisée exige d’avoir des familles de grande taille : « Là où les enfants exercent l’essentiel des travaux champêtres, le père d’une grande famille est riche, tandis que celui d’une petite famille est pauvre ». Avec davantage d’enfants, un foyer a aussi plus de probabilité que l’un d’eux devienne fonctionnaire. Hassane Atamo souligne alors que « beaucoup de familles nigériennes espèrent avoir un fonctionnaire, car c’est une source de revenus assurée ».
Toutes ces raisons fournissent des pistes d’explication pour comprendre pourquoi les familles africaines sont généralement plus nombreuses que dans les autres pays du monde. Cette liste n’est pas exhaustive. Si vous voyez d’autres éléments, n’hésitez pas à nous les partager dans les commentaires.
Pour aller plus loin :
- Idée reçue n°27 – « La croissance démographique est un frein au développement. »
- [1] « Quand des pays ont encore aujourd’hui sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. »