Palamanga Ouali : « L’Église doit protéger les enfants ! »
Palamanga Ouali est vice-président de Compassion International pour l’Afrique. Dans cet entretien, il évoque le sujet de la protection des enfants.

Dernièrement, nous avons eu le plaisir de recevoir la visite de Palamanga Ouali, vice-président de Compassion International pour l’Afrique. Dans cet entretien, il évoque le sujet de la protection des enfants, qui est au cœur du travail de l’ONG.
Nicolas Fouquet : L’Afrique est vaste. Comment est perçue la place des enfants sur ce continent ?
Palamanga
Ouali : Il y a plusieurs Afriques. On peut envisager la distinction de
différentes façons. L’une d’elles, c’est la distinction entre l’Afrique des
villages et l’Afrique des villes.
Au village, où j’ai grandi, l’enfant appartient à la communauté ou en tout cas à la grande famille. L’éducation des enfants est du ressort de tout ce village, de toute cette communauté. Tout le monde a son mot à dire et s’assure que l’enfant a mangé ou est repris s’il a fait une bêtise. L’éducation se fait au moyen des contes autour du feu le soir. C’est comme cela que l’enfant apprend ensuite à se comporter auprès des personnes âgées, handicapées ou encore de l’orphelin…
Àcôté, on a l’Afrique des villes…
Là,
on n’a plus cette grande famille autour. On se rapproche de ce qui se vit en Occident.
C’est souvent seulement la famille nucléaire qui est présente. L’éducation
incombe à ce petit cercle. C’est différent. À ce niveau, le rôle des parents est
crucial. S’ils échouent, c’est plus dur de rattraper ensuite. Il me semble que
le défi est particulièrement important dans les villes.
Quand on parle deprotection de l’enfance, à quels types de dangers fait-on référence ?
Il y a matière à protéger les enfants contre de nombreuses menaces. Il peut s’agir de la faim, du manque (de vaccins, de chaussures, de moyens pour les frais de scolarité…) mais aussi d’abus dont un enfant pourrait être victime. On peut penser aux abus physiques, aux abus émotionnels mais aussi de plus en plus, malheureusement, aux abus sexuels.
Comment se répartissentles menaces entre l’Afrique des villes et l’Afrique des villages ?
Potentiellement,
il y a les mêmes dangers partout.
C’est
vrai que dans les villes on peut penser que les risques d’abus sexuels sont
plus importants. Mais actuellement, avec les réseaux sociaux et le reste, nous
sommes en présence de vases communicants. Il faut alors être prudent. Je crois
que les menaces sont partout, même s’il y a des formes d’abus qu’on peut davantage
retrouver en ville que dans les villages.
Par
contre, les raisons qui sont derrières peuvent être différentes. Ainsi, le
problème de la faim se retrouve au village comme en ville mais, dans le premier
cas, c’est parce que la pluviométrie n’a pas été bonne et, dans le second,
c’est en raison du manque d’opportunités d’emplois pour les parents.
Y a-t-il une dimensionculturelle qui entre en compte à un moment sur ces questions de protection
de l’enfance ?
Oui, c’est le cas, si on prend l’exemple de l’excision. Il y a des communautés dans lesquelles cette pratique existe et d’autres dans lesquelles ce n’est pas le cas ou alors seulement de façon marginale. Or, l’excision est une pratique qui relève d’une dimension culturelle, éventuellement religieuse.
Pour
ce qui est du travail des enfants, c’est davantage une question d’ordre
économique. Ça va surtout dépendre si la famille est aisée ou pas.
Y a-t-il aussi parfois unedimension religieuse ?
Dans
les pays musulmans, il y a des familles qui confient leur enfant très tôt à un
maître coranique. L’enfant ne va plus aller à l’école. Ça peut avoir un impact
négatif qui va influencer toute la vie de l’enfant. Mais c’est une menace qui
est surtout liée au niveau d’éducation des parents. Si les parents sont allés à
l’école, ils vont vouloir que leur enfant y aille aussi, quelle que soit leur
religion.
On peut aussi évoquer le mariage des jeunes filles. Dans certaines religions, il faut marier très vite la fille pour qu’elle ne soit pas tentée par les garçons. Ça peut aussi constituer une menace. La fille peut être forcée de se marier vers 15 ans. Religion et culture sont parfois très imbriquées.
En quoi les chrétiensdevraient être particulièrement sensibles à ce sujet de la protection de
l’enfance ?
Le
développement holistique[1] des enfants est un mandat
biblique que l’Église a reçu et elle doit y travailler. Dans le passage de Proverbes
31, il est dit qu’il faut parler pour celui qui ne le peut pas et qu’il faut
défendre le malheureux et le pauvre.
L’Église
doit jouer son rôle en matière de protection des enfants et ça commence par
donner l’exemple. En son sein, il ne faut pas qu’il y ait d’abus. Si l’Église
fait bien son travail en protégeant ses enfants et en contribuant à leur
éducation, c’est un bon témoignage dans la communauté.
De
plus, l’Église doit aussi être un refuge. L’Église en Afrique a joué ce rôle
par le passé. Quand les missionnaires sont arrivés et qu’il y a eu des
conversions, beaucoup de filles victimes de mariages forcés ont couru dans les Églises
pour s’abriter. Ça a pu d’ailleurs causer quelques problèmes. Il a fallu
négocier avec les familles.
Commentpeut-on agir pour mieux protéger les enfants ?
Le travail est double. Premièrement, il s’agit de sensibiliser, de prévenir. Il faut informer ceux qui travaillent avec les enfants des lois qui sont en vigueur et les populations sur les abus possibles qui existent. Deuxièmement, quand un abus a eu lieu, il faut travailler avec l’Église, les autorités, l’action sociale, pour que le cas soit traité selon les lois du pays. Il faut également qu’il y ait un suivi psychologique ou sanitaire de l’enfant en question. C’est sur ces deux tableaux là que ça se passe.
Pour aller plus loin
- Découvrez les bienfaits du parrainage d’enfants avec le SEL (partenaire de Compassion International)
- Découvrez les projets de développement menés en Afrique subsaharienne par les partenaires du SEL
[1] Le
développement holistique consiste à faire fructifier les potentialités dans les
différents domaines de la vie : physique, spirituel, émotionnel, social…