Idée reçue n°14 – « La déforestation mondiale continue de s’accélérer irrémédiablement. »
Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !
Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.
Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : Pour commencer, on va déjà revenir sur la notion même de déforestation ? Qu’est-ce qu’on entend exactement quand on emploie ce terme de déforestation et comment elle peut se mesurer ?
Nicolas (SEL) : Assez simplement, la déforestation mondiale correspond à la diminution des surfaces qui sont couvertes par des forêts dans le monde. On s’intéresse plus généralement à ce que l’on appelle le taux de déforestation net et qui est la déforestation moins les replantations et qui permet de mieux rendre compte de la réalité du recul de la forêt.
Alors aujourd’hui où en est-on ? A combien s’élève ce taux de déforestation net ?
Le dernier état de la déforestation a été présenté par la FAO – l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation – à l’occasion du 14e congrès forestier mondial qui s’est tenu à Durban en Afrique du Sud en septembre 2015. Le bilan de la déforestation nette s’établit alors, à l’échelle du globe, à une perte de 3,3 millions d’hectares par an en moyenne entre 2010 et 2015, soit l’équivalent d’une Belgique chaque année.
Un constat plutôt inquiétant. Aujourd’hui, quelle est du coup la tendance ? Peut-on dire que la déforestation mondiale continue de s’accélérer irrémédiablement ?
La réponse à cette question est plus complexe qu’il n’y paraît et dépend de l’échelle de temps que l’on choisit d’observer. D’un côté, on note des progrès évidents. La FAO se félicite ainsi que le taux de déforestation net mondial ait ralenti de plus de 50 % au cours des 25 dernières années. Passant de 7,3 millions d’hectares par an dans les années 90 à 3,3 millions d’hectares actuellement.
D’un autre côté, on doit cependant préciser que si cette présentation est vraie, elle est peut-être un peu trop flatteuse. Pourquoi ? Tout simplement parce le rythme de déforestation nette globale ne ralentit plus depuis une décennie. La déforestation mondiale continue. Moins rapidement qu’auparavant. Mais elle continue et les progrès sont plus lents ces dernières années.
Quelles sont les causes les plus importantes ou en tout cas les causes identifiées de la déforestation ?
Si l’urbanisation est en cause, la principale raison du déboisement reste néanmoins l’agriculture. 80 % de la déforestation serait due à l’agriculture. Ce qui s’explique notamment par la forte croissance démographique mondiale ou encore par les besoins toujours plus importants de dédier des surfaces à l’alimentation du bétail…
Quels sont les pays les plus concernés par ces problèmes de déforestation ?
Bien qu’il ait réalisé d’importants progrès, le Brésil reste le pays qui est le plus concerné par le recul de la forêt. Consciente de cet enjeu, la présidente Dilma Rousseff a dernièrement promis la fin de la déforestation illégale. Mais les paroles doivent maintenant laisser place aux actes. Suivent ensuite des pays comme l’Indonésie, le Nigéria ou encore la Tanzanie… Et à l’inverse, parmi les bons élèves on retrouve étonnamment la Chine, l’Australie ou encore le Chili…
On vient de parler des causes de la déforestation mais du côté des conséquences, c’est surtout pour la biodiversité que ça a un impact très négatif ?
Effectivement. La préservation des forêts est un enjeu en termes d’environnement local, pour la biodiversité. Mais aussi global, il ne faut pas l’oublier ! Selon le GIEC – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – la déforestation et le changement d’usage des sols seraient ainsi responsables de près de 10 % des émissions de carbone de la planète. Ce qui n’est pas négligeable.
Un impact important donc dans le réchauffement climatique. Réchauffement climatique qui est au cœur des préoccupations nationales, mondiales, internationales cette année avec notamment le point d’orgue à Paris lors de la COP21 en décembre.
Pour aller plus loin : Alternatives économiques, Forêts : progrès en panne, dans La méthode Hollande va-t-elle enfin marcher, octobre 2015, n°350, p. 84.