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La justice se pratique… oui mais comment ?

Ceux qui considèrent la réalité de la pauvreté dans le monde en arrivent tôt ou tard à s’exprimer en termes de justice et d’injustice. Or la Bible nous montre que la justice se pratique. Mais comment s’y prendre ? Nous n’essaierons pas ici de donner une recette mais plutôt un moteur, des balises et un horizon.

Pratiquer la justice envers les pauvres commence par le partage (cf. Ézéchiel 18.7). Cela continue avec le fait de poser des limites aux droits de chacun pour ainsi faire une place à tous. Cela implique ensuite de dénoncer les cas dans lesquels les humains commettent des injustices. La Bible nous présente enfin le projet collectif que Dieu a donné à l’humanité : multiplier, remplir la terre et la soumettre, en développer les potentialités pour la gloire de Dieu et le bien du prochain (cf. Genèse 1.26-28). Pratiquer la justice, c’est aussi contribuer au bien de la société humaine, même de façon très modeste. 

Il y a là un beau et vaste programme avec de nombreuses applications aux situations de pauvreté. Mais comment se mettre en route ? 

Le constat de départ 

Parler de pratique de la justice, c’est, si nous sommes lucides, évoquer un message exigeant et qui nous met tous en situation d’échec ! Nous pouvons gérer ce fait en accusant les autres, en cherchant à baisser le niveau de ce qui nous est demandé ou en décidant de ne pas y penser. 

Il nous faut plutôt commencer par accepter le verdict de l’Écriture : « Certes, il n’y a sur la terre point d’homme juste qui fasse le bien et qui ne pèche pas. » (Ecclésiaste 7.20) C’est à partir de là que la justice de Dieu se manifeste : sur la base de l’œuvre du Christ, Dieu déclare juste le pécheur qui met sa foi en Jésus. 

Notre pratique de la justice doit être centrée sur Jésus : il est lui-même notre justice. Parce qu’il a accompli tout ce qu’il fallait pour lever notre condamnation, son Esprit nous est donné pour nous communiquer la vie, la motivation et l’énergie pour marcher à la suite du Bon Berger dans les sentiers de la justice à cause de son nom. Le Bon Samaritain qui se montre le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands, c’est d’abord et avant tout Jésus lui-même ! Il nous faut accepter de nous laisser soigner par lui pour entendre la parole : « Va, et toi, fais de même. » 

Un moteur : la grâce 

Ainsi, c’est le rappel insistant du message de la justification gratuite qui conduit les humains à s’appliquer à exceller dans les œuvres bonnes (cf. Tite 3.4-8). La route conduisant à pratiquer la justice envers les pauvres n’est pas directe : elle passe par la croix. 

En nous tournant vers le Christ nous sommes appelés – dans le même mouvement – à renoncer au mal et à l’injustice. Il s’agit de la repentance. Elle touche tous les domaines de notre vie et est indispensable si nous voulons authentiquement pratiquer la justice. 

L’expérience de la grâce transforme la manière et l’état d’esprit avec lesquels nous pratiquons la justice envers le pauvre : par exemple, le partage du pain avec celui qui a faim prend une autre dimension – celle de la reconnaissance et du témoignage – pour celui qui sait qu’il ne vit que parce que Dieu lui a donné Jésus, le pain vivant descendu du ciel. Le fait de renoncer à abuser de ceux qui sont plus faibles que soi prend un goût tout à fait différent quand il découle, comme avec Zachée, de la joie de l’accueil et d’une rencontre personnelle avec Jésus. Bref : la grâce devrait être le moteur de notre pratique de la justice. 

Poser quelques balises  

Le monde dans lequel nous vivons n’est pas idéal. Une certaine forme de passion pour la justice et le refus de tout contact avec ce qui porte la marque du mal peut donner le sentiment de la radicalité mais ne constitue pas un chemin réellement praticable. Et pourtant, nous sommes bel et bien appelés à pratiquer la justice. Comment faire ? 

Le livre de l’Ecclésiaste peut nous mettre sur la voie. Il nous montre les limites de notre pouvoir d’action : nous ne pouvons déjà pas très bien comprendre ce qui se passe dans le monde. Le mystère de la vie sous le soleil est douloureux et marqué par l’injustice et l’oppression du pauvre (cf. 3.17 et 5.7). L’Ecclésiaste nous conduit dans les méandres de la vie dans un monde déchu. En le lisant, on peut régulièrement se sentir dans le brouillard mais certaines réalités ressortent très fortement : Dieu, la crainte de Dieu, les commandements de Dieu et son jugement (cf. 12.13-14). L’Ecclésiaste parvient à la certitude que le jugement reviendra à la justice, en tout cas en fin de compte. 

Agir dans le monde tel qu’il est  

L’Ecclésiaste nous apprend qu’il existe bel et bien dans ce « bazar », voire ce chaos de notre monde, une manière de vivre qui est intègre, antihéroïque à bien des égards, exigeante quant à l’effort, modeste quant au résultat attendu, capable de se réjouir authentiquement de tout ce qui peut arriver de bon (cf. 11.7, 9.7-9, 2.24, etc.). Il nous montre que si Dieu a voulu faire continuer la vie dans un monde déchu il faut accepter les deux termes de l’équation : vivre, c’est-à-dire agir, ce qui implique d’observer ses commandements (ce qui équivaut à pratiquer la justice !) ; mais dans un monde déchu, c’est-à-dire en s’armant de patience face à la frustration prévisible et en acceptant de faire des compromis qui ne seront pas des compromissions.  La crainte de Dieu est alors la boussole qui permet de ne pas perdre le nord.  

« Ne deviens pas juste à l’excès et ne te montre pas trop sage : pourquoi te ruinerais-tu ? Ne sois pas méchant à l’excès, et ne deviens pas insensé : pourquoi mourrais-tu avant ton temps ? Il est bon que tu retiennes ceci sans laisser échapper cela ; car celui qui craint Dieu trouve une issue en toute situation. » (7.17-18) 

À l’horizon : un futur où la justice habitera 

Nous vivons dans un monde déchu, soumis à la vanité, mais avec une espérance : « [c]ette même création sera libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. » (Romains 8.21) Le Royaume de Dieu, qui commence de façon cachée et discrète, finira par remplir la terre et concernera l’ensemble des réalités qui sont toutes englobées par le salut que le Christ a acquis. 

Au-delà du jugement dernier, nous attendons les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habitera (cf. 2 Pierre 3.13) ! La Bible place devant nous la perspective d’un état final éternel dans lequel l’injustice ne se commettra plus. Les conséquences du mal auront disparu : la mort, mais aussi toute forme de souffrance et donc aussi la pauvreté (cf. Apocalypse 21.4). 

Se mettre en marche… aujourd’hui ! 

Ces perspectives sont pour le futur et pour le futur uniquement mais elles devraient influencer notre vie dès à présent. Dès aujourd’hui, le Seigneur nous donne le Saint-Esprit qui constitue les prémices, les arrhes ou le gage de ce qui nous est promis (cf. Romains 8.23, 2 Corinthiens 1.22, Éphésiens 1.13-14). Le Saint-Esprit nous met en contact avec la réalité du Royaume dès à présent – et cela a à voir avec la pratique de la justice. « Car le royaume de Dieu, c’est non pas le manger ni le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit. » (Romains 14.17) 

Dans une injonction un peu mystérieuse qui se situe après la description des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, l’Apocalypse se tourne vers le temps présent et dit : « Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore, que le juste pratique encore la justice et que celui qui est saint soit encore sanctifié ! » (22.11) Cette parole nous dit que les décisions importantes en matière de pratique de la justice se prennent maintenant. Ce n’est pas quand la justice habitera dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre qu’il sera temps de commencer à pratiquer la justice. C’est dans un monde déchu qu’il faut s’y mettre ! 

Aujourd’hui, le Seigneur a fait de l’Église la communauté du Royaume appelée à vivre différemment dans le temps présent. Quand nous sommes fidèles à cette vocation la société et la création au milieu desquelles nous vivons peuvent aussi en profiter et nous faisons signe vers ce que l’on ne voit pas encore. Comme le dit le pasteur Thomas Poëtte, il s’agit de vivre d’une manière qui manifeste le projet de Dieu pour le monde autant que nous en sommes capables. 

Trouver son moteur dans la grâce de Dieu ; développer la sagesse pratique pour vivre dans un monde déchu ; inscrire ce que nous faisons dans l’horizon des nouveaux cieux et de la nouvelle terre : voilà de grandes indications pour répondre à la question de savoir comment pratiquer la justice. Que Dieu nous mette en route et renouvelle nos forces sur ce chemin. 

Pour en savoir plus sur notre mission de sensibilisation : www.selfrance.org/sensibilisation/