Où en est aujourd’hui la dette des pays en développement ?
Il y a 20 ans avait lieu la Campagne Jubilé 2000 pour demander l’annulation de la dette des pays les plus pauvres. Où en est-on aujourd’hui ?

Il y a 20 ans avait lieu la Campagne Jubilé 2000 dans laquelle le SEL s’était investi. Des millions de personnes se mobilisaient pour demander l’annulation de la dette des pays les plus pauvres. En juin 1999, le sommet du G8 de Cologne donnait raison à la mobilisation de la société civile et aboutissait à des annonces d’annulation de dette inédites. Que s’est-il passé depuis ? Où en est-on aujourd’hui ?
Le problème de la dette
Comme chaque année, la Banque
mondiale – qui est l’institution internationale à la pointe sur les questions
de développement – a publié ses Perspectives pour l’économie mondiale au
mois de janvier. L’édition 2019 est l’occasion pour elle de prêter une
attention toute particulière à la question de la dette des pays à faible revenu.
Ce sujet est malheureusement central lorsqu’il s’agit de se pencher sur les
problématiques de développement international. Si un pays est fortement
endetté, ses moyens d’action pour lutter contre la pauvreté se voient en effet
grandement limités. Il va devoir consacrer une part non négligeable de ses
ressources au remboursement de ses emprunts (et même parfois uniquement de
leurs intérêts) et c’est autant d’argent qu’il ne pourra pas dépenser pour venir
en aide aux plus démunis de sa population.
Une situation qui se dégrade
La Plateforme Dette et
Développement, dont le SEL est membre, vient de publier elle-aussi un rapport
sur le sujet de la dette en avril 2019. Elle signale que « dans les trois
quarts des pays critiquement endettés, la situation s’est encore aggravée ces
dernières années ». Selon la Banque mondiale, six pays étaient considérés
comme surendettés en 2015. Désormais, ils sont onze. Les pays à faible revenu
et endettés sont la Gambie, le Mozambique, le Soudan du Sud et le Zimbabwe. Les
pays à faible revenu et à risque de surendettement sont l’Afghanistan, le
Burundi, la République centrafricaine, le Tchad, l’Éthiopie, Haïti et le
Tadjikistan. Le taux d’endettement médian avait connu une évolution
encourageante dans la continuité des actions entreprises au début du
millénaire. Il était ainsi passé d’un ratio médian dette/PIB proche de 100 % au
début des années 2000 à un chiffre avoisinant les 30 % en 2013. Au vu des
derniers résultats de 2017, l’endettement repart malheureusement à la hausse
avec un taux dépassant actuellement les 50 %.
Les raisons sous-jacentes
Plusieurs raisons, comme les
conflits ou la faiblesse de la gouvernance, peuvent expliquer que certains pays
soient plus spécifiquement affectés par des problèmes de dette. La Plateforme
Dette et Développement signale que « la hausse des taux d’intérêt et
l’effondrement des prix des matières premières ont déjà mené à des cessations
de paiement dans 17 pays ». La liste n’est pas forcément exhaustive mais
voici trois facteurs qui ont plus particulièrement contribué à la dégradation
de la situation des dernières années.
- La baisse des cours des matières premières :
De nombreux pays en développement
ont des économies qui sont caractérisées par une forte dépendance à l’égard de
l’exportation de leurs matières premières. Dans ce contexte, ces États se
trouvent fragilisés par les fluctuations du marché. Une chute des prix des
matières premières peut ainsi gravement amputer les ressources à leur
disposition et leur capacité à rembourser leurs emprunts.
- La mauvaise utilisation des fonds empruntés :
L’augmentation du fardeau de la dette est moins préjudiciable si elle est utilisée pour financer des investissements qui augmentent le potentiel de production du pays et par conséquent sa capacité future à rembourser ses emprunts. Seulement, dans la majorité des cas des pays à faible revenu, les emprunts sont plutôt utilisés pour financer une augmentation de la consommation actuelle. Lorsque le choix est fait d’utiliser ces nouvelles ressources pour augmenter les salaires du secteur public, le bénéfice pour l’économie se trouve amoindri. C’est encore pire lorsque l’argent des emprunts est réorienté vers l’accumulation d’actifs privés stockés à l’étranger.
- La dépendance à l’égard de la detteextérieure :
La plupart des emprunts des pays
en développement proviennent de l’étranger et sont libellés dans des monnaies étrangères. De
cette façon, l’évolution des taux de change peut avoir une incidence importante
sur le coût réel de la dette d’un pays. Si une monnaie est dépréciée, cela va
augmenter la valeur de sa dette et les frais inhérents au remboursement de ses
intérêts.
De nouveaux créanciers
Dans son rapport, la Banque mondiale ne se contente pas de souligner l’aggravation de l’endettement des pays en développement. Elle signale également une évolution dans sa nature puisque, depuis quelques années, le profil des créanciers a un peu changé. Les pays à faible revenu se tournent ainsi de plus en plus vers des sources privées et vers des pays non-membres du Club de Paris, Chine en tête. Si les dirigeants des pays endettés y trouvent leur compte pour le moment, il n’est pas sûr que ce soit le cas pour leur population ; de plus, des difficultés pourront éventuellement apparaître lorsqu’il s’agira de négocier des allègements de dette ou de se coordonner pour leur venir en aide.