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Crises négligées mais pas négligeables

Le SEL fait partie de l’alliance internationale Integral regroupant une vingtaine d’organisations chrétiennes actives dans le secours d’urgence et dans le développement. Ensemble, elles se mobilisent lorsqu’une crise ou une catastrophe naturelle survient. En son sein, un groupe de travail a été formé sur le sujet des crises négligées. Isabelle Duval, directrice des projets de développement au SEL et membre de ce groupe, nous en apprend un peu plus sur cette notion.

Daniel Hillion : On entend beaucoup parler de catastrophes ou de crises au journal de 20h ou sur les sites internet d’actualités mais aujourd’hui nous allons parler de « crises négligées ». Pourriez-vous nous dire ce qu’on entend par cette expression ?

Isabelle Duval : Une crise négligée est une crise qui n’est pas ou plus du tout traitée dans les médias et qui pourtant est très grave. Les causes de ces crises sont généralement très complexes. En plus du manque d’attention de la part des médias, il y a également un manque de volonté politique. Ces crises se caractérisent aussi par leur durée assez longue. 

Pourquoi, selon vous, certaines crises sont-elles négligées alors que d’autres font les gros titres des médias ?

Je pense qu’il y a plusieurs raisons. Quand une crise éclate ou qu’une catastrophe naturelle arrive, c’est très intense et cela attire l’attention. Ensuite il y a la proximité : plus une crise est proche, plus elle va intéresser les gens, plus elle est éloignée, moins elle va les interpeller. Il y a enfin des pays où la crise dure depuis très longtemps, une forme de lassitude s’installe, que ce soit chez le public, chez les médias ou chez les politiques. 

Y a-t-il des difficultés propres que rencontrent les organisations de solidarité internationale cherchant à agir sur le terrain dans ces crises négligées ?

Oui, notamment la difficulté de mobiliser des fonds. Que ce soit auprès de ce qu’on appelle les bailleurs institutionnels comme les organes d’urgence des gouvernements ou les agences de l’ONU, les ONG vont avoir plus de mal à être financées pour mener des projets lorsque ce sont des crises négligées. Ensuite, l’insécurité sur le terrain est très grande dans ces contextes-là. Les personnels humanitaires sont régulièrement victimes d’attaques et même tués. Le SEL n’a pas de personnel sur le terrain mais nous avons des partenaires locaux dont la vie est parfois mise en danger. Enfin, il peut y avoir le sentiment de crier dans le désert. Ces situations ne sont pas médiatisées mais les organisations voient leur gravité et l’impact sur les communautés et même sur les générations à venir. Il y a donc un sentiment de ne pas être entendues. 

Integral travaille sur ce sujet des crises négligées. Quelle est la perspective de l’engagement d’Integral, dont le SEL fait partie, pour cette thématique des crises négligées ? 

Depuis 2 ans, nous travaillons sur ce thème avec l’intention d’attirer l’attention des publics et des donateurs de chacune de nos organisations mais aussi des bailleurs institutionnels et des politiques. Pour essayer d’exemplifier cela, Integral a envoyé une équipe d’évaluation dans une zone bien précise de l’Est de la République démocratique du Congo qui vit une crise aux conséquences terribles depuis une vingtaine d’années. Le but est de collecter des données et d’illustrer le type de conflits et de problématiques présents dans cette crise négligée. Ce sont des situations complexes alors la tâche n’est pas facile. Mais voilà, notre objectif est de mettre en lumière ce type de crises et de transmettre un message : ne les oubliez pas ! 

Est-ce que le SEL intervient dans des situations de crises négligées ?

Oui, nous avons plusieurs partenaires qui agissent dans ces contextes. Au Burkina Faso par exemple, où une crise qui a commencé il y a 3 ans est déjà négligée ! Je pense ensuite à Madagascar qui subit les conséquences terribles de la crise climatique, entre famines dans le sud et cyclones dévastateurs qui se multiplient. Il y a aussi Haïti qui vit crise sur crise et qui, en ce moment, en subit une liée à la violence et malheureusement très peu médiatisée. 

Vous revenez du Burkina Faso, pouvez-vous nous en dire plus sur la situation actuelle du pays ?

Depuis 2019, le Burkina connaît des attaques de groupes armés. Touchant d’abord le nord du pays, elles se sont étendues à l’Est et à l’Ouest et descendent de plus en plus vers le centre. Aujourd’hui, après 3 ans, 2 millions de personnes ont dû fuir leur maison et tout abandonner derrière elles. Héberger ces personnes se révèle très compliqué. Ce sont souvent des familles très nombreuses, elles trouvent refuge chez des proches, appauvrissant de manière générale le pays parce qu’il faut les nourrir. Les besoins sont immenses et l’insécurité grandissante, les villages étant constamment attaqués. Une semaine avant que nous arrivions sur place, une attaque avait fait plus de 100 morts dans un village et conduit au déplacement d’une trentaine de milliers de personnes dans la zone. 

Pour nos lecteurs qui commencent à se rendre compte de l’importance de ces crises négligées, que peuvent-ils faire ?

Prier bien sûr ! J’aimerais aussi vous encourager à vous informer sur ces crises, à ne pas y rester insensibles. Je pense que tout commence par là. Ensuite, on peut passer à l’acte en parlant autour de nous, en interpellant notre entourage sur ces situations difficiles. Enfin, soutenir des organisations qui agissent dans ces contextes de crise peut également faire une différence. En ce qui concerne le SEL vous pouvez vous rendre sur notre site internet où des fonds d’urgence sont dédiés au Burkina Faso et à Madagascar. 

Retrouvez l’intégralité de l’interview sur le site de Fréquence Protestante

 

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