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Aimer son prochain : ça commence à la maison !

En cette journée internationale des familles, partons à la rencontre de Françoise Caron, mère de quatre enfants, grand-mère de huit petits-enfants, présidente de la Fédération nationale des associations familiales protestantes* (FNAFP) et auteur de "La famille chevillée au cœur".

La FNAFP est, depuis 2022, partenaire du SEL. Pourquoi avoir choisi ce partenariat ?

Françoise Caron : En tant que mère de famille qui cuisine un peu, je dirais qu’ajouter du sel dans la marmite est indispensable ! Je crois que le SEL et les AFP se rejoignent parce qu’il est important de porter la voix de ceux qui ont faim, de ceux qui ont soif, de ceux qui ne peuvent pas aller à l'école... Et si nous rassemblons des associations sur le territoire français, il y a une résonance réelle avec ce qui est fait à l'étranger par le SEL. Il y a ensuite une vraie nécessité de rappeler aux parents que tout commence dès la plus tendre enfance . Nous avons besoin d'éduquer nos enfants par l'exemple de ce que l’on vit à la maison. Et puis, faire le bien, prendre soin de l'autre, ce n'est pas forcément réservé aux familles en grande pauvreté en Asie ou en Afrique, des familles très pauvres nous en avons aussi chez nous. Enfin, lorsque l’on n’est pas très pauvre, on peut parfois manquer de générosité et d'altruisme. Il faut développer, là aussi, cette capacité à partager notre pain et ça s'apprend tout petit. Donc un partenariat qui a tout son sens, avec une vision commune, des axes qui se déploient un peu différemment, mais qui sont totalement complémentaires.

A découvrir également : le livret d'études "Aimer son prochain"

Le SEL s'interroge depuis plus d’un an sur le thème de la pratique de la justice. Comment cette question de justice, résonne en vous ?

Il y a certainement deux niveaux. Celui que je pratique au niveau de la FNAFP consiste à rappeler ce qui est injuste et qu'il y a des droits fondamentaux à respecter. Que l'on doit veiller, ou en tout cas s'interroger sur le « pourquoi encore de tant de gens sans logement ? », « pourquoi encore tant de gens ont du mal à manger à leur faim ? », « pourquoi tant de violence ? », « pourquoi une justice aussi lente ? » C'est ce qui va faire que nous allons interpeler ceux qui dirigent, qui font les lois et qui sont chargés de les mettre en application.

Et puis après, il y a ce sentiment d'injustice parce que le monde ne va pas bien. Alors, je dois aussi me mettre en route pour apporter un peu de justice à mon tout petit niveau. Et moi, j'aime ce niveau-là, celui du terrain, celui qui fait que, je peux, de ma place, non pas être un justicier mais pratiquer un petit peu de justice là où il suffit d'une parole pour laisser passer à la caisse une dame enceinte ou une personne en situation de handicap. Car pratiquer la justice, c'est aussi dire ce : « Vous pouvez passer. »

Comment pratiquer cette justice en famille ?

Cela commence en se demandant quels sont les besoins de chacun des membres de la famille. Ensuite, on peut apprendre à pratiquer la justice ensemble, plus dans la conscience du besoin de chacun que dans une volonté absolue que tout le monde ait la même chose. Après, c’est aussi mettre cette famille en mouvement pour qu'elle puisse rejoindre les autres : s'engager dans du bénévolat par exemple. En tout cas, signifier concrètement qu'avec un geste, un acte, elle peut apporter un petit peu de justice dans ce monde qui, parfois, est indifférent et ferme les yeux sur la souffrance et l’injustice. Enfin, on peut également apaiser ce sentiment d'injustice chez certaines personnes qui ont besoin de comprendre que ne pas avoir la même chose n’est pas forcément injuste, que ce qui importe, c'est qu'elle ait ce dont elle a besoin.

Comment en tant qu’évangéliques dans une société laïque, peut-on intervenir au sein de familles non chrétiennes sans transformer notre aide en « manipulation » ?

J'aime beaucoup la laïcité. C'est une richesse pour nous, c'est un cadeau, c'est ce droit pour chaque personne de vivre librement sa foi et de l'exprimer. J’aime le redire parce qu'on a un peu peur de ce mot. Et puis après ? Bien sûr, je suis libre d'exprimer ma foi, de partager ce que j'ai reçu. Mais je ne dois jamais oublier de respecter la liberté de l'autre. Ma liberté s'arrête là où commence celle de l’autre. S’il a faim ou qu’il a besoin d'un conseil éducatif, naturellement, je peux accompagner ce repas ou ce conseil d'exemple de ce que je vis avec Dieu. Mais si je sens que l'autre n'est pas en mesure de recevoir ou ne le souhaite pas, je ne vais absolument pas retenir cette nourriture ou ce conseil. Je crois qu'il y a un temps durant lequel la famille que j'accompagne découvre qui je suis et puis, quand une relation de confiance, d’amitié, est établie, arrive, bien souvent, le temps des questions et du témoignage…

à l’ « inverse », comment agir dans une société laïque en acceptant de faire des compromis mais sans perdre notre identité ?

Je ne suis pas trop une femme de compromis, je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire. Par contre, je crois qu'il y a des accords que l’on peut trouver, là encore, dans le respect de qui l’on est. Un peu comme un orchestre, on peut s’accorder sur le bien que l'on veut pour ceux que l’on sert ensemble. Nous ne sommes pas les mêmes instruments alors nous marcherons avec quelqu'un qui pense et qui véhicule des choses différentes. Mais au fond, sa voix et la mienne vont produire une musique qui, peut-être, aidera ceux qui l'écoutent à faire leur propre chemin. Je ne me sens pas en danger, même avec des gens qui me bousculent un peu dans ce que je suis, qui crient plus fort que moi. Je les laisse jouer plus fort. Ils ont peut-être un instrument qui domine là, mais ma petite voix, sereine, porte autre chose, qui, je crois, fait la différence.

Auriez-vous un dernier mot à ajouter ?

J'aurais envie de dire que tout commence à la maison. Je ne peux pas parler de la famille sans parler de toutes les peines, les blessures que l'on vit dans son enfance, de tous ces moments terribles que même les meilleurs parents ont parfois infligés à leurs enfants. Cette famille, il faut en prendre soin, il faut la chérir et demander à Dieu d’y être au quotidien. Et puis il faut s'approcher des autres pour pouvoir s'entraider, partager. Jamais dans un discours moralisateur mais toujours dans un mouvement vers l'avant, pour le mieux, pour le bien, pour ce qui fait du bien et qui rend aussi la vie plus belle !

Continuez à découvrir Françoise Caron en vous plongeant dans son témoignage La famille chevillée au cœur et apprenez en plus sur son engagement auprès des familles, en visionnant son passage dans notre émission La Rue du SEL ! 

*Rassemblant 180 associations locales réparties sur tout le territoire français, la FNAFP représente les familles protestantes devant différentes instances politiques. Elle est également à l’initiative de projets pour valoriser l’entraide familiale et accompagner parents et enfants dans tous leurs besoins (petite enfance, parentalité, handicap, logement, violences intrafamiliales,…).